mardi 26 novembre 2013

Imagine...Cosette 2/3

Cosette jeune fille

De la pensionnaire de couvent à l'ingénue

Bien souvent on ne retient du personnage de Cosette que l'enfant martyre et misérable, considérant la jeune femme qu'elle devient dans la dernière partie du roman comme trop mièvre, lui préférant Eponine, dont elle est le double inversé. Certes Cosette enfant est devenue une référence, un symbole, un personnage mythique. Mais si le personnage de Cosette est simplement romanesque dans la dernière partie, il n'en demeure pas moins essentiel et riche dont l'évolution de condition et de caractère se lit dans sa vêture.

Cosette est née à la fin du premier empire, en 1815, des amours éphémères d'un étudiant peu scrupuleux et de Fantine, jeune ouvrière. Dès sa naissance elle connaît l'abandon, de son père d'abord, puis de sa mère qui la confie aux Thénardier car son statut de mère célibataire est un frein à l'obtention d'un emploi. 



«En France, jusqu’à la fin des années 1870, date à laquelle les premières crèches sont ouvertes, les femmes qui travaillent n’ont pas de mode de garde et sont obligées de recourir à une «gardienne» ou à une «soigneuse». Lorsque la mère décède, abandonne son enfant ou se trouve dans une ville trop éloignée pour pouvoir le visiter régulièrement tout peut arriver: les bambins sont à peine nourris et mal vêtus; dès que possible, ils travaillent jusqu’à quinze heures par jour, sans repos hebdomadaire; ils sont frappés sous le motif le plus futile. Lorsque personne n’est venu les rechercher, à l’adolescence, la famille d’accueil a tous les droits sur eux...» (Myriam Tsikounas).
Dès 1818, Cosette se retrouve condamnée à subir la méchanceté des Thénardier ; exploitée et misérable, d'enfant chérie par sa mère elle devient la plus misérable des servantes: «Comme elle n'avait plus de trousseau, on l'habilla des vieilles jupes et des vieilles chemises des petites Thénardiers, c'est à dire de haillons"

 Cosette et le poupée offerte par Jean Valjean, Léon François Comerre

Elle est sauvée le jour de Noël 1823 par Jean Valjean informé de son existence par Fantine mourante. Cosette quitte alors l'auberge de Montfermeil pour un couvent parisien. Pour marquer la rupture l'auteur souligne le changement de vêtements: «une petite robe de laine, un tablier, une brassière de futaine, un jupon, un fichu, des bas de laine, des souliers, un vêtement complet pour une fille de sept ans. Tout cela était noir»; ainsi par la couleur du deuil est souligné le lien avec Fantine la mère décédée, inconnue de sa fille; et par la qualité des vêtements le changement radical de statut; «Cosette n'était plus en guenilles, elle était en deuil. Elle sortait de la misère et elle entrait dans la vie»


 Reproduction de la mode enfantine sur le site fashion-era

Marius la rencontre au jardin du Luxembourg, où ils se croisent et se remarquent; à ses yeux «c'était une façon de fille de treize ou quatorze ans, maigre, au point d'être presque laide, gauche, insignifiante, et qui promettait, peut-être d'avoir d'assez beaux yeux... Elle avait cette mise à la fois vieille et enfantine des pensionnaires de couvent, une robe mal coupée de gros mérinos noir»; Marius et Cosette se croisent sans se parler deux années.


Robe de 1830 présentée aux enchères.

Cosette devient une jeune fille: «mais il lui parut que ce n'était plus la même jeune fille. La personne qu'il voyait maintenant était une grande et belle créature ayant toutes les formes les plus charmantes de la femme ….C'étaient d'admirables cheveux châtains nuancés de veines dorées, un front qui semblait fait de marbre, des joues qui semblaient faites d'une feuille de rose, un incarnat pâle, une blancheur émue, une bouche exquise d'où le sourire sortait comme une clarté et la parole comme une musique, une tête que Raphaël eut donnée à Marie posée sur un cou que Jean Goujon eût donné à Vénus. «En six mois, la petite fille était devenue jeune fille....Hier on les a laissées enfants, aujourd'hui on les retrouve inquiétantes» 

 
Encore une fois les vêtements changent: «Et puis ce n'était plus la pensionnaire avec son chapeau de peluche, sa robe de mérinos, ses souliers d'écolier et ses mains rouges; le goût lui était venu avec la beauté; c'était une personne bien mise avec une sorte d'élégance simple et riche et sans manière. Elle avait une robe de damas noir, un camail de même étoffe et un chapeau de crêpe blanc. Ses gants blancs montraient la finesse de sa main qui jouait avec le manche d'une ombrelle en ivoire chinois, et son brodequin de soie dessinait la petitesse de son pied»

 P.G Jeanniot, cosette Jeune fille


« Elle sut tout de suite toute la science du chapeau, de la robe, du mantelet, du brodequin, de la manchette, de l'étoffe qui va, de la couleur qui sied, cette science qui fait de la femme parisienne quelque chose de si charmant, de si profond et de si dangereux.» «En moins d'un mois Cosette fut dans cette thébaïde de la rue de Babylone une des femmes, non seulement les plus jolies, ce qui est quelque chose, mais «les mieux mises» de Paris, ce qui est bien avantage»

Jean Valjean ne remplace pas toujours une mère: «une mère , par exemple, lui eût dit qu'une jeune fille ne s'habille point en damas» et puis ajoute l'auteur: «Pour former l'âme d'une jeune fille, toutes les religieuses du monde ne valent pas une mère. Cosette n'avait pas eu de mère. Elle n'avait eu que beaucoup de mères, au pluriel.»

Cosette s'habille donc de façon recherchée mais trop élaborée pour son âge, à la limité de ce qui est acceptable pour une jeune fille de sa condition, « Cosette s'habilla. Elle arrangea ses cheveux de la manière qui lui allait le mieux, et elle mit une robe dont le corsage, qui avait reçu un coup de ciseau de trop, et, qui par cette échancrure laissait voir la naissance de son cou, était comme disent les jeunes fille, «un peu indécent»néanmoins c'est cela qui va charmer Marius et se l'attacher: «Cosette se pencha pour ramasser quelque chose à terre, son corsage s'entr'ouvrit et laissa voir la naissance de sa gorge. Marius détourna les yeux.» «Il contemplait et il adorait les choses qu'elle mettait, son nœud de ruban, ses gants, ses manchettes, ses brodequins, comme des objets dont il était le maître..."



Par la suite, lorsque Cosette épouse Marius, elle change à nouveau de condition et donc de tenue.

Prochain et dernier article: Cosette, jeune femme à la mode, Baronne de Pontmercy

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