jeudi 30 mai 2013

Imagine...Iseult

"Non, ce n’était pas du vin : c’était la passion, c’était l’âpre joie et l’angoisse sans fin, et la mort"

Tristant & Iseult, John Duncan
De la légende au roman:

L'origine des textes du XII°, ceux de Béroul, Thomas d'Angleterre, qui nous sont parvenus fragmentés, et ceux de Chrétien de Troyes, perdus, remontent aux légendes orales celtes, populaires et antiques. Au fil du temps la légende s'est empreinte des préceptes de l'amour courtois, plaçant les deux amants sous le joug de la fatalité. La version moderne de René Louis, parue en 1972, rend au récit toute la puissance de la matière de Bretagne, et Iseult retrouve l'initiative dans le drame conformément à la tradition celte qui donne aux femmes un rôle prépondérant.

Le poéte Sire Konrad et sa dame, Codex Manesse, première moitiée du XIV°S
La grande originalité de Tristan et Iseult est d'exprimer à travers un symbole poétique, le vin herbé , un amour plus fort que le monde et ses lois, plus fort même que l'Ordre divin ou la force des relations personnelles;le roman de Tristan et Iseult se présente comme une interrogation inquiète sur la nature de l'amour et sur la place qu'il peut tenir dans les cœurs et dans la société

Les racines historiques de la légende

Les conteurs gallois,  les Mabinogions,  évoquent «Tristan, fils de Tallwch, amant d'Essylt, femme de March»; ils ont favorisé la Cornouailles britannique. Cependant la légende trouve ses racines en Ecosse où il est question d'un héros picte Drustan. Ce peuple écossais avait pour Roi vers 780 Talorc dont le fils se prénommait Drest, forme dérivée de Drustan.On peut voir là les origine du héros Tristan. 
Il n'y a par contre aucune indication historique concernant Iseult, mais comment la séparer de Tristan
Ainsi Iseult pourrait être une princesse Irlandaise du 8ème siècle, dont le destin s'inscrit dans l'histoire des peuples celtes soumis aux invasions saxonnes, angles et viking! Il se peut aussi qu' Iseult soit l'une de ces princesses Norvégiennes installées en ces royaumes viking d'Irlande, comme semblent l'indiquer sa blonde chevelure source d'émerveillement et son prénom même de source germanique ( Ishild)

Tristan et Iseult, Achille Beltrame
Le caractère celtique de l'histoire ne fait aucun doute en dépit des nombreuses références à un monde médiéval plus tardif figurant dans les textes du 12ème siècle.
Sont celtiques les hirondelles qui vont porter au roi Marc le cheveu d'or de la blonde Iseult, elle même probablement inspirée des mythes celtiques où elle porte le nom de Fand, amoureuse du héros Cùchulainn, qui a quitté son mari, Dieu de la mer, Manannan Mac Lir.

coffret de mariage, détail, Vannes, fin XII
Les références multiples à la magie, aux astres, au merveilleux ( le géant, le dragon), les rêves, caractérisent les légendes celtes
Enfin certains lieux ont une signification particulière dans la tradition celte comme les gués qui jouent un rôle important dans la topographie du roman ( Le gué Aventureux, le Gué du Malpas)

Iseult 

Fille de l'un des 150 rois d'Irlande, elle doit suivre Tristan afin d'épouser le roi breton Marc de Cornouailles, en raison de la promesse faite par son père de donner sa fille à celui qui aura terrassé le dragon qui terrorise l'île, or Tristan l'a vaincu au nom de Marc.  Sa mère craignant l'échec de cette union, Marc est un roi âgé, prépare un «vin herbé», breuvage qui a le pouvoir de lier passionnément deux amants. La servante d'Iseult, Brangien, dans la version médiévale par erreur administre le breuvage à Iseult et Tristan lors du voyage en bateau. Dans la version de René Louis, Iseult, déjà amoureuse de Tristan, choisit volontairement de partager le breuvage avec Tristan avec l'aide de Brangien (servante-fée), les deux amants sont alors liés pour 3 ans, chiffre symbolique dans la mythologie celte.

Tristan et Iseult, miniature, 1470
Elle utilise le mensonge, la ruse et la force des mots pour poursuivre son aventure amoureuse avec Tristan, trompant la vigilance du roi Marc (elle refuse de partager le vin herbé avec le roi Marc choisissant ainsi une passion unique, celle qui la lie à Tristan) et de son entourage pendant une année et cela dès la nuit de noces:ayant perdu sa virginité au cours du voyage, Iseult demande à sa servante , qui était vierge, de la remplacer dans l'obscurité, lors de la nuit de noce et ainsi abuse le roi.

 Marc et Iseult, Jones Burne
Par la suite, convaincue de trahison elle est condamnée à mort par son époux, mais la peine est aménagée puisque Marc décide de la livrer aux lépreux! Tristan la sauve et l'entraîne dans sa fuite, dans la forêt de Morois, où ils vivent , deux années durant, en liberté leur amour mais connaissent les privations et les dangers. L'effet du vin herbé passé, les héros reviennent à la conscience de leurs actes et de leurs sentiments, au sublime d'une passion merveilleuse se substitue les limites d'un amour conscient soumis aux obligations, celles qu'imposent , le mariage, les liens familiaux, ou encore les relations hiérarchiques. Leur amour les condamne à la souffrance. 

 Détail coffret en Ivoire, Tristan et Iseult à la fontaine, Paris, 1340-1350
 Iseult sur les conseils d'un ermite décide de revenir auprès du roi qui exige et obtient l'exil de Tristan qui s'installe en petite Bretagne, près de Karhaix ( actuelle Carhaix). Tristan , blessé, appelle à l'aide Iseult la magicienne, qui arrive trop tard ; elle se laisse mourir auprès de son amant.

La mort de Tristan, Marianne Storkes, 1902
En dépit des trahisons qui marquent son bref passage à la cour du roi Marc, Iseult est admirée pour sa beauté, sa noblesse et sa bonté : reine aimée de son époux, adulée par son peuple qui s'oppose à la condamnation prononcée par le roi, protégée par le roi ARTHUR et les chevaliers de la Table Ronde, adorée par Tristan, elle fait l'admiration de tous."Pour l'amour de la noble dame aux cheveux blonds, qui ignore la méchanceté" dit le roi ARTHUR de la reine de Cornouailles!

Blair Leighton, Tristan et Iseult, 1907
Mais elle peut parfois laisser percer quelques sentiments peu louables, et se montre cruelle quand elle décide de faire tuer sa servante.
 «Brangien savait la vie de la reine, Brangien la tenait à sa merci. Ainsi , la peur affole la reine et voici qu'une idée monstrueuse germe en son esprit, s'y installe et ne la quitte plus: «Que Brangien disparaisse et je n'aurai plus rien à craindre!»... Telle est la peur d'Iseult de perdre son amour qu'elle en devient cruelle et sans pitié»

Le costume D'iseult, une princesse du VIII°siècle

Il n'est pas aisé de s'imaginer le costume d'Iseult, l'ensemble des ressources iconographique la représentant son bien trop tardive. Il faut donc s'en remettre à l'archéologie et imaginer un costume mêlant les influences viking, celte et mérovingienne.
 Le costume Viking
Il est constitué d'une sous-robe ou smoke, d'une robe, d'une sur-robe ou robe suspendue et d'un manteau.

Costume viking, Finlande, X°siècle
Reconstitution d'une tenue de femme viking par Penny Walton pour le musée de Jorvik
 A - "robe";
  B - "robe" et un tablier;
  C - "robe", un tablier et une cape plissée;
D - "robe" et cape plissée.

Forum, les couloirs du temps, dessin inspiré de Viktoria Persdotter
 
 Le costume mérovingien:
L'archéologie, en mettant à jour les tombeaux de reines mérovingiennes, notamment celui d'Arégonde vivant au VI° siècle, nous donne de précieux renseignements. 

Reconstitution du costume de Wisigarde, épouse de Théodeberd Ier
Reconstitution de la tenue d'Arégonde d'après les fouilles de son tombeaux
Reconstitution de la tenue d'Arégonde d'après les fouilles de son tombeaux
Reconstitution de la tenue d'Arégonde d'après les fouilles de son tombeaux
Bijoux porté par Arégonde
Et si Iseult appartenait à l'époque carolingienne, plus tardive, ces gravures du X°siècle montre que l'évolution du costume reste peu flagrante.




Le costume Celte 
Le livre de Kells réalisé vers 820, donne une idée de la vêture d'une princesse Celte, relativement proche du costume carolingien, le détail de cette Madonne à l'enfant  met en évidence les motifs celtique de sa robe.



Filmographie
étonnamment pour un mythe aussi connu, la filmographie est plutôt courte, les photos rares, aussi toutes les adaptations, portée à ma connaissance, sont citées même celles ne respectant pas le contexte historique celtique ou du moyen-âge. 
  • 1911: Tristan et Yseult d'Albert Capellani


  • 1920: Tristan et Yseult de Maurice Mariaud
  • 1943: L'Eternel Retour de Jean Delannoy, écrit par Jean Cocteau avec Jean Marais et Madeleine Sologne
  • 1972: Tristan et Iseult d’Yvan Lagrange

  • 1998 1998: Le Cœur et L’Épée de Fabrizio Costa

  • 2006: Tristan et Yseult de Kevin Reynolds avec James Franco et Sophia Myles
    A noter un réel effort dans la volonté de restituer une époque en dépit de quelques fantaisies, l'héroïne porte d'épais lainage et des robes lâches.




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